Cette semaine on aime [13.12.2021]
RZA & Flatbush Zombies – Plug Addicts
Single sorti le 10 décembre 2021
chez 36 Chambers LLC
Bada-BOUM! Une instru lourde, des voix rocailleuses poussées à 90db, des MCs qui se passent le mic comme ils se passent la lame et le tournevis, des fringues XXL, une cage, du sang, comme une odeur de mort et de cinéma. Oui, de cinéma. Les addicts des salles obscures auront reconnu dans ce clip un clin d’oeil à une scène célèbre du « Reservoir Dogs » de Quentin Tarantino.
Alors, on replante le décor. D’abord, un groupe de rap curieux et inventif originaire de Brooklyn: les Flatbush Zombies. Le crew new-yorkais a les lyrics aussi poétiques que sombres, et sur des instrus empruntes d’une patte toute East Coast, ils ont sorti deux albums, en 2016 (« 3001: A Laced Odyssey ») et 2018 (« Vacation In Hell »), où il est largement question de l’usage des drogues, de violence et de l’enfer. Ensuite, un pilier du Wu Tang, RZA, son background de MC punchlineur du Wu, sa passion pour la culture chinoise et les arts martiaux. RZA avait déjà versé dans un rap très sombre à l’époque du groupe Gravediggaz, des modèles du genre dark hip hop.
Le combo nous offre un titre sombre, malaisant aussi, et que ne renierait pas Quentin Tarantino, avec qui RZA avait collaboré pour la BO de « Kill Bill ».
Pour les amoureux de cinéma, de rap new-yorkais, de death metal et aussi de Christophe Hondelatte éteignant la lumière (vous l’avez?).
Homeboy Sandman – Come Thru
Single sorti le 9 décembre 2021
chez Dirty Looks
Après avoir attrapé des sueurs froides avec Flatbush Zombies & RZA, on prend de la hauteur avec Homeboy Sandman.
On reste à New-York, on file plus loin que Brooklyn pour le Queen’s, quartier d’origine d’Angel Del Villar II, aka Homeboy Sandman. Dans le circuit depuis 2007, le rappeur a le verbe haut et un sens de l’humour qui se retrouve dans ses textes, le plus souvent accompagné d’instrus jazzy, comme les boucles piano de ce « Come Thru ».
Depuis le début des années 2010, Homeboy Sandman fait le tour des open-mic, des cafés, concerts et scènes new-yorkaises où son flow et ses textes font mouche, lui valant les éloges de la presse spécialisée. « The Good Sun », son troisième album paru en 2010 avait fait le tour de toutes les bonnes programmations hip hop, et depuis lors, le MC d’origine portoricaine multiplie les collaborations et affirme sa montée en puissance sur la scène rap américaine.
En 2021, Homeboy Sandman a déjà sorti un EP « Anjelitu », aux sonorités West Coast et psychédéliques, là il nous fait goûter avant les fêtes de fin d’année, à un rap jazzy à souhait mais pas dénué de rimes ravageuses.
« Come thru » …
Ross From Friends – Grub
titre issu de l’album « Tread »
sorti le 22 octobre 2021 chez Brainfeeder
Levons tout de suite l’ambigüité: non, Ross n’a pas délaissé sa bande d’amis new-yorkais pour se mettre aux platines. Ross From Friends c’est le pseudo de Felix Clary Weatherall, un surdoué du mélange des genres musicaux et des constructions sonores complexes (mais toujours envoûtantes), tout droit venu de Grande-Bretagne.
Son dernier album en date, « Tread », est tout à la fois aérien, rempli de surprises sonores, bruitées et effilochées le long de morceaux house qui emmènent l’auditeur attentif dans d’autres univers.
Ross From Friends a grandi auprès d’un père ingénieur son spécialisé dans les salles électro, avec de la techno en toile de fond. On retrouve donc dans sa musique les basses et rythmes qui font bouger comme en bunker party, mais aussi toute la complexité des nappes sonores house qui permettent l’évasion.
A écouter attentivement, pour s’extraire du quotidien.
Loto et Riski – Madonna Type Beat
Titre issu de l’album « Camo Life »
Sorti le 25 novembre 2021 sur le label Bad Cop Bad Cop
Pour notre première sélection, se sont deux rappeurs de deux générations bien distinctes qui s’unissent pour incorporer une saveur nouvelle au rap francophone. D’un côté Riski, rappeur anciennement connu sous le nom de Metek au parcours rempli d’anecdotes étonnantes comme le fait que son père est le militant d’extrême gauche Pierre Goldman et qu’il est le neveu de Jean Jacques Goldman. Côté rap, il a pu être chroniqueur chez Générations dans les années 90, puis rappeur au sein du collectif ATK et a collaboré avec une ribambelle d’artistes. Maintenant il s’associe avec Loto, jeune rappeur émergent qui avait pu faire parler de lui avec l’EP « Prêt pour l’argent 2 » il y a quelques mois de cela.
Loto est celui qui amène Riski sur son propre terrain, c’est-à-dire ce rap caractéristique de la ville de Détroit qui vient s’exporter à présent dans l’hexagone. Dans cet EP nommé « Camo Life« , des lignes de basses funky se font entendre, caractérisées par une grosse caisse sourde et des snares filtrées. Autre aspect du genre : les rappeurs s’adonnent à du “shit talk”, consistant en un enchaînement de répliques égocentriques surplombées par un humour gras.
Nos deux rappeurs arrivent à recracher les codes de ce genre sans se contenter d’un simple copier/coller. Car, durant ces cinq titres, les samples de funk sont mis à l’honneur. Pour exemple, « Madonna Type Beat » qui emprunte un sample quasiment disco venu accompagné à la perfection les inepties des deux rappeurs.
Apollo Brown & Stalley – No Monster
Titre issu de l’album « Blacklight »
Sorti le 19 novembre 2021 chez Mello Music Group
Quand le Michigan et l’Ohio se rencontrent, cela aboutit à une complémentarité entre un producteur et un rappeur talentueux le temps d’un album. Alors que Apollo Brown écume les bacs remplis de vinyles pour dégoter les meilleurs samples, Stalley, lui, vient livrer son meilleur phrasé en assurant presque à lui tout seul l’interprétation sur le projet Blacklight. Un disque qui fourmille de samples vocaux classieux soutenus par des grosses caisses et des caisses claires étirées.
D’un côté, nous avons Apollo Brown qui exerce dans la production en reprenant notamment l’héritage de DJ Premier à travers son groupe Ugly Heroes pour ensuite s’émanciper en soliste en accompagnant des rappeurs et rappeuses tels que Che Noir ou Guilty Simpson. Quant au parcours de Stalley, il se veut quelque peu semblable dans la forme car, s’il n’a jamais opéré dans un groupe, il a pu faire partie de l’écurie Maybach Music de Rick Ross, un label très soudé qui n’hésitait pas à se rejoindre sur des morceaux communs. Par la suite, il partira du label pour tracer sa propre route, tout comme Apollo.
De ce fait, il se risquent tous deux vers des directions transversales et dont ce disque de 15 titres en est le parfait exemple, avec notamment le très bon « No Monster », construit par des samples aux allures de canon gospel pendant que Stalley avise l’auditeur sur la façon d’éviter les “monstres” de la vie et ainsi mener une croisée paisible.